Ma dernière rentrée universitaire
Je n’écris pas ce texte pour plaire, ni pour corriger quoi que ce soit. J’écris pour dire. Pour laisser une trace. Pour répondre à mes propres mots, ceux d’avant, ceux d’enfance, de douleur, d’abandon et de renaissance.
Je ne cherche pas à raconter un parcours modèle. Je ne prétends pas faire ce qu’aucune autre n’a fait. Mais ce que je peux dire, c’est que ce récit m’appartient en entier, et qu’il ne s’excuse de rien.
Je veux montrer, à qui voudra lire, une étudiante dans toute sa complexité. Et cette étudiante, ce sera moi.
Je relis ces articles. Mes mots. Mes tripes. "Mon parcours scolaire”, “Cher harcèlement scolaire”, “Quand abandonner la fac a été la meilleure décision”. Je revois celle que j’étais, celle qui écrivait pour ne pas exploser, pour garder le cap, pour faire sens. Ces lignes racontent mes doutes, mes peines, mes traversées. Aujourd’hui, c’est ma dernière rentrée universitaire. Et j’ai envie de répondre. À moi-même. À celle que j’étais. À celle que je suis devenue.
Depuis toute petite, j’ai voulu croire que finir ce cycle serait comme tourner une page douce, comme refermer un livre dont la dernière ligne apaiserait toutes les précédentes. Mais je sens déjà le vertige. Je sens le mélange étrange de nostalgie, de fierté, et d’incertitude, cette impression que quelque chose se clôt doucement, presque en silence.
J’ai appris à avancer avec mes différences : être emo, être métalleuse, aimer ce que beaucoup considéraient comme "bizarre", "trop sombre", "trop décalé". Croire aux fantômes, chercher du sens dans l’étrange, voir du beau dans ce qui fait peur. Ce sont ces choses qui m’ont portée, protégée, structurée, bien plus que n’importe quel cours magistral.
On m’a souvent découragée.
Depuis le collège, puis le lycée, et jusqu’à l’université.
On m’a dit que ce serait trop difficile pour moi, à cause de mes troubles dys. Trop long, trop complexe, trop exigeant. Que le bac L serait déjà un défi. Que l’université, ce serait trop abstrait. Que le droit, ça demanderait une rigueur inaccessible pour "quelqu’un comme moi".
Je n’étais jamais celle qu’on poussait. J’étais celle qu’on “préparait à la réalité”, en m’expliquant que certains chemins n’étaient pas pour moi.
Mais j’ai refusé que les autres tracent ma route à ma place. J’ai choisi d’y aller quand même. D’essayer. De recommencer. De me battre contre des attentes trop basses pour mes ambitions.
Aujourd’hui, je suis toujours là. Avec une licence validée, un master en cours, et un avenir que je construis selon mes propres termes.
J’ai vécu mes années d’études comme une traversée. Avec ses tempêtes, ses escales, ses faux départs.
Il m’a fallu sept ans pour obtenir ma licence. Sept années marquées par des redoublements, le Covid, les cours à distance, les doutes, l’isolement, les sacrifices.
Pendant longtemps, on m’a fait croire que c’était un échec. Que si je n’y arrivais pas "dans les temps", c’est que ce n’était pas pour moi.
Mais avec le recul, je vois les choses autrement.
Ma lenteur, c’était ma force.
Ma persévérance, c’était ma réponse à un monde pressé.
Je n’ai pas lâché. Même quand c’était flou. Même quand c’était dur. Même quand je doutais de tout, y compris de moi. Et aujourd’hui, je suis là. En master. En dernière rentrée. En paix avec le temps que j’ai pris. Parce qu’il m’a permis de devenir celle que je suis.
Et aujourd’hui, je suis dans le master de mes rêves.
Un master unique en France, une formation bi-disciplinaire en droit et en informatique, presque comme un double master à lui seul. Il demande rigueur, curiosité, adaptabilité. Il croise mes deux mondes : la précision juridique et la logique technique. Il me pousse chaque jour à penser autrement, à relier ce qui semble séparé, à me dépasser.
Je ne suis pas là par hasard. Je suis là parce que je me suis battue pour y être. Parce que j’ai tenu bon quand beaucoup auraient lâché. Parce que j’ai travaillé, recommencé, recommencé encore. Parce que j’ai refusé de laisser mes échecs définir ma trajectoire. Ce master, je ne l’ai pas reçu comme un cadeau.
Je l’ai conquis.
Et le plus ironique ? C’est que j’avais dit que je ne ferais jamais ça.
Comme j’avais dit que je ne ferais jamais de droit. Comme si j’avais voulu fuir quelque chose que, finalement, j’étais destinée à faire. Ce n’est pas une ligne droite. C’est un chemin plein de virages, de revirements, de petites morts symboliques.
Mais aujourd’hui, je marche dedans avec plus de conscience que jamais.
Je ne suis pas perdue.
Je sais ce que je vise.
Dans deux ans, je passerai le concours d’avocat, en droit administratif.
C’est un objectif que je porte avec moi comme un fil rouge entre la fin de mes études et l’avenir que je construis.
Et puis il y a autre chose, que je réalise maintenant. Cette rentrée, ce n’est pas juste ma dernière rentrée universitaire.
C’est ma dernière rentrée, tout court. Je suis rentrée à l’école à deux ans, en 1999. L’année 1999–2000. Depuis, je n’ai jamais quitté ce rythme.
26 ans.
26 rentrées. 26 années de cartables, de récréations, de bulletins, de salles trop froides ou trop bruyantes, de cours trop denses ou trop creux. 26 rentrée et demain, c'est la dernière.
26 rentrée et cette fois, c’est fini.
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